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On aurait tort de rejeter la question des faillites bancaires à la panique de 2008 : à tout point de vue, le bourbier des dettes publiques, qui cette année encore englue le continent, est inséparable de la question des faillites bancaires. Et pour cause, lorsqu’une banque se trouve en faillite, l’État creuse son déficit pour sauver l’institution, espérant ainsi éviter des effondrements à la chaîne.
Des défauts bancaires à la faillite de l’Europe
Cet affaiblissement des finances publiques provoque en retour une dépréciation de la valeur des obligations d’État, ce qui fragilise fatalement les banques nationales, ces dernières détenant massivement lesdites obligations d’État. En 2008, ce cercle vicieux a couté à l’Irlande 40 % de son PIB, et face à la très récente crise bancaire chypriote, il serait bien malaisé de faire passer ce scénario pour un simple épouvantail.
Ce lien entre faillite bancaire et faillite nationale a pris un tour particulièrement catastrophique en Europe en raison du gigantisme des banques. Pour exemple, la valeur de la première banque européenne, Deutsche Bank, représente plus de 100 % du PIB allemand : si jamais le Trésor fédéral se trouvait dans l’obligation de renflouer la Deutsche Bank, le déficit de l’Allemagne plongerait immédiatement. Etant donnée la fragilité actuelle des États européens, avoir à nouveau recours au contribuable en cas de faillite bancaire serait, au mieux, désastreux. Pour les 28 pays, il apparait donc urgent de briser le lien entre faillite bancaire et crise de la dette, et c’est précisément l'objectif du « mécanisme de résolution unique » proposé ce 10 juillet par la Commission. Projet ambitieux dont chaque étape se révèle pourtant minée.
Ce lien entre faillite bancaire et faillite nationale a pris un tour particulièrement catastrophique en Europe en raison du gigantisme des banques. Pour exemple, la valeur de la première banque européenne, Deutsche Bank, représente plus de 100 % du PIB allemand : si jamais le Trésor fédéral se trouvait dans l’obligation de renflouer la Deutsche Bank, le déficit de l’Allemagne plongerait immédiatement. Etant donnée la fragilité actuelle des États européens, avoir à nouveau recours au contribuable en cas de faillite bancaire serait, au mieux, désastreux. Pour les 28 pays, il apparait donc urgent de briser le lien entre faillite bancaire et crise de la dette, et c’est précisément l'objectif du « mécanisme de résolution unique » proposé ce 10 juillet par la Commission. Projet ambitieux dont chaque étape se révèle pourtant minée.
« Ce sont nos dépôts, mais c’est votre problème »
Épargnez le contribuable certes, mais au détriment de qui ? Selon la proposition du 10 juillet, les premiers à payer, dans le cas d’un sauvetage bancaire, ne seraient plus les États, mais les actionnaires des banques, suivis des propriétaires de comptes crédités au-delà de 100 000 €, l’aide publique devenant exceptionnelle. En complément, les banques seront tenues d’alimenter un « fond commun de résolution » qui, au besoin, pourra être mobilisé pour renflouer une banque. Dans le sillon de l’accord, Michael Noonan, le ministre des Finances irlandais, s’est d’ailleurs montré particulièrement optimiste : « C’est une manière de tout à fait révolutionnaire de s’adresser aux banques (…) [les pays] n’auront désormais plus à faire face [en cas de faillite bancaire] ».
En pratique, cette mesure semble surtout une vraie fausse bonne idée. Elle se heurte tout d’abord à la réalité financière : faire payer les créditeurs des banques risque surtout d’inciter les actionnaires à investir dans des banques non européennes, ce qui assècherait le capital de nos banques, augmentant le coût du crédit, déjà exorbitant pour les PME. D’autre part, elle oblige la Commission à réveiller le vieux démon de la solidarité. Les banques des pays vertueux contribuant au « pot commun » bancaire seront ainsi, à un point ou un autre, forcées d’éponger les imprévisions des Méditerranéens. Parti d’une bonne intention, le projet est surtout un insondable casse-tête financier et politique.
En pratique, cette mesure semble surtout une vraie fausse bonne idée. Elle se heurte tout d’abord à la réalité financière : faire payer les créditeurs des banques risque surtout d’inciter les actionnaires à investir dans des banques non européennes, ce qui assècherait le capital de nos banques, augmentant le coût du crédit, déjà exorbitant pour les PME. D’autre part, elle oblige la Commission à réveiller le vieux démon de la solidarité. Les banques des pays vertueux contribuant au « pot commun » bancaire seront ainsi, à un point ou un autre, forcées d’éponger les imprévisions des Méditerranéens. Parti d’une bonne intention, le projet est surtout un insondable casse-tête financier et politique.
La Commission, juge suprême des banques ?
Les divisions concernant le rôle du contribuable en cas de faillite bancaire ne sont que la partie visible du « mécanisme de résolution unique ». Dans les faits, avant même d’organiser la dissolution d’une banque et de faire payer les créanciers, il faut qu’une autorité centrale, chapeautée par la Commission, déclare l’institution en état de faillite. Refusant tout contrôle bancaire généralisé, l’Allemagne a immédiatement sorti les griffes.
Pourquoi l’Allemagne ? Et bien parce que Berlin ne souhaite en rien voir ses trois mille banques – dont certaines ne dépassent pas 20 employés – sous contrôle de la Commission, alors même qu’en cas de faillite, elles ne présenteraient pas de risque pour le système bancaire européen. Pour contrer la Commission, le gouvernement Merkel, sous pression des puissants groupes financiers allemands, a mis en branle l’artillerie législative : selon lui, les traités européens ne donnent en aucun cas à la Commission un droit de regard sur l’usage des budgets nationaux, quand bien même il s’agirait de renflouer des banques en piochant chez le contribuable. Le porte-parole du Bundesregierung souligne ainsi que ce MRU « donnerait à la Commission des pouvoirs que les traités, dans leur forme actuelle, ne lui accordent pas ».
Faisant fi de la grogne allemande, la Commission maintient le cap et souhaite s’arroger, comme prévu, le droit de déclarer en faillite n’importe quelle banque des membres de la zone euro (plus quelques autres pays). De son côté, le gouvernement allemand, en pleine campagne de réélection, refuse toute concession, bloquant de facto les négociations jusqu’aux législatives. Cette glaciation générale des positions est des plus mal venues : la Commission, le Parlement et le Conseil n’ont que neufs mois pour trouver un accord sans quoi, tout devra être repris à zéro. Et neuf mois dans la foire institutionnelle bruxelloise, c’est bien peu.
Pourquoi l’Allemagne ? Et bien parce que Berlin ne souhaite en rien voir ses trois mille banques – dont certaines ne dépassent pas 20 employés – sous contrôle de la Commission, alors même qu’en cas de faillite, elles ne présenteraient pas de risque pour le système bancaire européen. Pour contrer la Commission, le gouvernement Merkel, sous pression des puissants groupes financiers allemands, a mis en branle l’artillerie législative : selon lui, les traités européens ne donnent en aucun cas à la Commission un droit de regard sur l’usage des budgets nationaux, quand bien même il s’agirait de renflouer des banques en piochant chez le contribuable. Le porte-parole du Bundesregierung souligne ainsi que ce MRU « donnerait à la Commission des pouvoirs que les traités, dans leur forme actuelle, ne lui accordent pas ».
Faisant fi de la grogne allemande, la Commission maintient le cap et souhaite s’arroger, comme prévu, le droit de déclarer en faillite n’importe quelle banque des membres de la zone euro (plus quelques autres pays). De son côté, le gouvernement allemand, en pleine campagne de réélection, refuse toute concession, bloquant de facto les négociations jusqu’aux législatives. Cette glaciation générale des positions est des plus mal venues : la Commission, le Parlement et le Conseil n’ont que neufs mois pour trouver un accord sans quoi, tout devra être repris à zéro. Et neuf mois dans la foire institutionnelle bruxelloise, c’est bien peu.